Monsieur!

J’ai eu l’honneur de recevoir les paquets, que Vous avez bien voulu m’addresser soit directement soit par l’intermédiaire de Mr Schweizerbart;²—et je vous remercie sincèrement non seulement pour les additions à la dernière édition anglaise de vôtre Origin of Species, mais particulièrement encore pour la manière, dont vous m’avez su faciliter de retrouver les pages et les lignes, où un changement ou une addition doit avoir lieu dans la nouvelle édition allemande, dont l’impression va commencer dans ces jours mêmes.³ Il faut cependant me permettre une observation sur un passage dans la dernière édition Anglaise, qui ne s’est pas trouvé dans la précédente.

Pag. 142: Geology shows us, at least within the whole imm⁠⟨⁠ense⁠⟩⁠ tertiary period, that the number of species of shells and probably, of mammals, has not greatly or at all increased.

N’ÿ a-t-il pas là quelque faute d’impression? L⁠⟨⁠es⁠⟩⁠ ⁠⟨⁠    ⁠⟩⁠ n’existent au commencement de la période tertiaire ⁠⟨⁠    ⁠⟩⁠ nombre et de peu d’ordres seulement; ils deviennent toujo⁠⟨⁠urs⁠⟩⁠ plus nombreux, de sorte que dans l’étage Miocène ils paraissent être même plus variés et plus abondants, qu’aujourdhui. Au moins le nombre d’espèces trouvées ensemble dans une même couche d’une même localité (à Mayance, Sansan etc)⁴ est quelquefois plus grand, que celui qu’on m’en trouveroit à présent dans toute l’Europe. Il n’ÿ a pas de doute, que le nombre des Mammifères, dont on ne connoît qu’une douzaine d’espèces à peu près dans les terrains pré-tertiaires, n’ait augmenté plus considérablement peutêtre que celui d’aucune autre classe justement dans la période tertiaire. Je vous prie donc, Monsieur, de bien vouloir me faire savoir comment il faut entendre ce passage?⁵

Les feuilles de Vôtre livre sur les Orchidées m’ont fait reconnoître, qu’il sera d’une grande importance pour la science, qu’il va enrichir de nouvaux faits relativement à une famille de plantes qui sont des plus interèssantes de toutes, et dont il corrigera la théorie.⁶ Si peût-être pas tous les lecteurs de “l’Origin” seroient assez botanistes, pour s’ÿ intéresser il ÿ aura sans doute un grand nombre de botanistes qui, ne possedent pas l’Origin, mais achèteront les Orchidées. C’est ce que j’ai écrit à Mr. Schweizerbart en lui communiquant les épreuves; cependant je l’ai prié également d’en consulter encore un botaniste même, comme p.e. Mr. v. Mohl.⁷ Ensuite il aura à faire son compte rélativement à ses frais; et je crois qu’il sera à même à Vous communiquer sa decision en 18–24 jours auplus!—car on vient de me prévenir qu’il est parti pour la foire de Leipsic, voÿage que‘ chaque libraire éditeur doit faire tous les ans et qui conge 2–3 semaines.⁸

Je Vous ai dit, que je n’adhère pas à Vôtre théorie, parce-que, malgré tous les avantage qu’elle auroit pour la science, elle est encore en opposition avec des faits fondamentaux de la science (le premier developpement d’un animal sortant de matière inorganique), mais que néanmoins je suis convaincu, qu’elle nous conduira enfin sur la route de la verité.⁹ Peût-être, si je trouve assez de temps, j’ajouterai à la traduction quelques observations intéressantes sur la variabilité des espèces relativement à des charactères, qu’on a cru être les plus constants.¹⁰

Veuillez aggréer, Monsieur, l’expression de la considération toute particulière, avec laquelle j’ai, l’honneur d’être, Monsieur | Vôtre | très devoué | H. G. Bronn