Très honoré Monsieur,

Excusez, je vous prie, la liberté bien grande que je prends de vous adresser ces lignes. Mais elles concernent un fait qui, je pense, vous intéressera et sur lequel je me permets, de demander un mot d’explication.

A titre de membre et Secrétaire d’une commission d’enquête sur le houblon, instituée par le Gouvernement belge pour rechercher les causes du discrédit qui atteint les produits de cette culture depuis quelques années, j’ai été chargé de visiter les houblonnières de l’Allemagne de l’Angleterre, après avoir parcouru les nôtres. En Belgique, la contrée de Poperinghe (Flandre occidentale) produisait jusqu’en 18^eS^o. un houblon abondant, très aromatique, hautement apprécié de nos brasseurs et des brasseurs de Lille et Dunkerque²—mais depuis lors il s’est appauvri extrèmement, la lupuline a pour ainsi dire disparu. Or c’est depuis cette époque que les cultivateurs, en vue d’obtenir des cônes plus pesants parce qu’ils sont riches en semences, ont planté beaucoup de pieds mâles.³

Ne peut-on pas admettre que l’absence prolongée des mâles avait en pour effet de développer la lupuline dans la fleur, la production de la graine étant rendue impossible? Et d’autre part depuis 18^eS^o. l’introduction excessive der pieds mâles n’a-t-elle pas pu avoir pour conséquence une réaction en faveur de la production de la graine et aux dépens de la lupuline? La sève affluerait maintenant plus abondamment vers les graines, but ultime de la fécondation et de la vie végétale.

Ou bien cette disparition de la lupuline serait-elle la conséquence d’un autre drangement dans le traitement de la plante. En effet jusqu’en 1872 on prenait les boutures de renouvellement des plantations au pied des souches, au printemps, comme ailleurs. Mais depuis lors, pour plus de commodité, on forme des boutures avec les jets minces qui apparaissent au pied des tiges en Juin. Ce procédé aurait-il pour résultat une dégénérescence de la plante au point de vue de la lupuline des cônes, car les tiges restent vigoureuses comme autrefois?

Excusez de nouveau, très honoré Monsieur, ma liberté et ma prière d’obtenir un mot de réponse au sujet des points agités. | Votre respectueux serviteur, | A. Damseaux | Professeur de culture a l’Institut agricole de l’État.