Monsieur,

Je me permets de vous envoyer en même temps que cette lettre un travail sur les fourmis de la Suisse que je viens de faire paraître dans les Mémoires de la société helvétique des sciences naturelles.² Il y a beaucoup d’années que j’étudie ce sujet, et je crois être arrivé à un certain nombre de résultats concernant les moeurs si curieuses de ces insectes qui ne pourront manquer de vous intéresser. J’y ai joint l’étude de la systématique et de l’anatomie. Pour ne vous signaler qu’un fait, je suis arrivé à démontrer positivement que certaines espèces (F. exsecta, truncicola, pratensis etc.) qui à l’ordinaire ne font jamais d’esclaves, se trouvent dans des cas fort rares en fourmilières mixtes avec la F. fusca, vivant en parfaite intelligence avec elle.³

Permettez-moi de vous indiquer les pages d’un certain nombre d’observations que je crois pouvoir plus particulièrement vous intéresser:⁴

Page III (au commencement), alinéa d’en haut.

Je n’aurais jamais pu arriver à connaître les moeurs des fourmis si je ne m’y étais mis à les étudier dès mon enfance, guidé par l’ouvrage de Pierre Huber.⁵ Plus tard on ne Dispose plus d’autant de temps, ce qui est mon plus grand regret, car on pourrait employer encore beaucoup de vies d’hommes à la seule étude des moeurs des fourmis.

Ai-je besoin d’ajouter, Monsieur, que la lumière qu’ont répandue vos travaux sur toutes les sciences naturelles rejaillit aussi sur le petit monde des fourmis, et permet d’y entrevoir l’enchaînement d’une foule de faits qui sans cela seraient totalement incompréhensible (p. ex. la série concernant l’instinct esclavagiste, indiquée au haut de la p. 443).⁶

J’espère n’avoir pas trop présumé de mon travail en pensant qu’il pourrait vous intéresser, et je vous prie, Monsieur, d’agréer l’assurance de mon respect et de ma très haute considération, | D^r Aug. Forel | Assistenzarzt an der | Kreisirrenanstalt | zu München | Bayern